FRUSTRATION
Un parfum comme un mélange. Un mélange comme des miscellanées qui s’entrechoquent entre mots et matières pour expliquer un peu, sans expliquer trop, le pourquoi d’un parfum. Frustration.
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Frustration, fille ainée du renoncement et sœur du parfum puisque le parfum procède comme de la frustration dans le jeu amoureux, il donne en reprenant, une satiété jamais satisfaite, une jouissance démarrée mais jamais aboutie, un mouvement infini de désir sans achèvement, sans apothéose, une instillation qui excite, séduit, berce, domine et agace comme un Boléro de Ravel. Frustration.
Prenez donc une gousse de vanille, une rose de jardin aux pétales rouges turgescents, un vieux rhum gorgé de bois ambrés, un vétiver bourbon, portez chacune de ces matières à vos sens entre la bouche et le nez. Frustration.
Respirez, goutez la circulation des sèves inouïes, fermentation délectable mais jamais suffisante où l’on demande plus, toutes narines dehors, ... "Encore, encore, laissez-nous prendre plus profondément vos rousseurs, et devenir cet animal au cerveau sourd de l’enfant qui veut jouir et dévorer davantage ce bois de châtaigne, cette cannelle ou ce vétiver jusqu’à l’éclatement puis se baigner repu dans le poème de l’odeur." Frustration.
Voilà le jeu amoureux du parfum, voilà le jeu de l’amour selon Musset, Shakespeare ou Racine. Et c’est tant mieux car la satiété tue alors que le désir fait vivre en créant le mouvement par la distance toujours renouvelée pour ne jamais consommer en ogre assassin. Frustration.
Heureux les consommateurs du désir, malheureux les consommateurs de jouissance.
Frustration, un parfum pour réveiller l’enfant solide en l’adulte fragile ou éveiller l’enfant fragile en l’adulte trop solide, un parfum pour un voyage en régression au pays dominé de la vanille, du rhum et du vétiver.
Un état d’Orange Extraordinaire qu’il vous faut atteindre pour vivre entre l’enfant et l’adulte passionnément le souvenir d’un manque.